Fatou Doumbouya, éleveuse de Ladoum « J’ai construit une maison grâce à mes moutons »

Crédit photo : Miguili

La présence des femmes dans  le monde de l’élevage est bien connue. Cependant dans l’élevage des ladoums dévolu aux éleveurs friqués, les femmes s’y adonnent moins ou presque jamais. La cherté des sujets n’a pas été un obstacle pour l’une d’entre elle qui a été guidée par sa passion.

Fatoumata Doumbouya, le nom est bien connu à Darou Salam 6 (Yeumbeul). Un quartier niché dans la banlieue dakaroise. Sa notoriété, elle la doit à son activité. Elle élève des moutons de race « Ladoum », qui est une race ovine améliorée. Pourtant, cette ancienne commerçante était juste une passionnée de l’élevage. «  J’ai commencé à élever les moutons depuis les années 80, lors de la grande sécheresse qui a touché le Sénégal. En cette période, j’avais vu un peulh qui traînait avec une brebis rachitique. J’ai acheté l’animal pour m’occuper de lui »confie Fatoumata. Habillée en grand boubou Thioup (…) Avec son grand-voile jeté sur l’habit, Fatoumata passerait dans la rue comme toutes les Driankés (grandes dames) sénégalaises. Cependant ce qui fait sa différence réside dans sa maison. En effet, à l’intérieur, le spectacle des moutons logés au rez-de-chaussée attire l’attention du visiteur : 43 sujets parqués dans six box selon des critères que, seuls les éleveurs rodés arrivent à déceler.

Cette activité, elle ne l’a pratique que depuis 2008. «J’élevais des moutons ordinaires. Lorsque j’ai découvert le ladoum par l’intermédiaire d’un ami, je ne voulais plus de mes moutons tellement j’ai été éblouie par cette race  ovine. J’ai par la suite vendu mon troupeau, à l’exception d’une femelle, à 700 000 pour acheter un ladoum mâle à 600 000 »,confie-t-elle avec des yeux éclatants traduisant sa passion pour cette race.

De la passion aux business florissant

Les Ladoum, ces moutons de luxes très connus dans le monde des éleveurs ne sont pas aussi méconnus des Sénégalais. C’est avec cette race que les prix exorbitants de moutons ont vu le jour. Sur ce, il n’est plus une surprise de lire dans la presse qu’un certain éleveur a refusé 30 millions pour son Ladoum. Mais Fatoumata n’en est pas encore à ce point.« Fatou ladoum », comme on l’appelle à Yeumbeul, dit avoir perçu 7 millions pour sa première vente. Même si elle reconnait avoir vendu plus cher un mouton, la sexagénaire laisse planer le mystère sur la somme reçue par souci de « respecter les recommandations de l’acheteur ».
Ce business florissant est le fruit d’un long investissement. En effet, à ses débuts avec les ladoum, Fatoumata, pour assurer l’alimentation de ses sujets avait consacré les recettes d’une maison qu’elle avait donnée en location. «  Ceux qui ont duré dans le métier m’ont conseillé cet investissement. Pendant plus d’une année, je n’ai pas touché à l’argent de la location. Il a servi à nourrir et à soigner les moutons. Mais, franchement je ne le regrette pas», laisse-t-elle entendre.

Crédit photo : Miguili
D’ailleurs, avec ses nombres de moutons qui ne cessaient d’augmenter, elle avait pris les services d’un technicien en élevage. Celui-ci lui a apprise les rudiments en cas de besoins. Ainsi, c’est de manière décontractée qu’elle fait désormais ses injections à un agneau qui pique parfois des crises. « Celui-là, dit-elle en désignant la bête, est né avec une maladie qui touche son cerveau. Mais le technicien dit que ce n’est pas bien grave. Donc à chaque fois qu’il pique une crise, je lui fais une injection d’antibiotiques » précise-t-elle.

Une passion bien récompensée

Dans le grand enclos des moutons, Fatoumata a aménagé un espace pour les prix et trophées qu’elle a reçus de son élevage de ladoums. A côté de son portrait qui meuble le lieu, une étagère est dressée de façon très visible. Sur celle-ci, figurent le prix que lui a remis le président Macky Sall, les félicitations et reconnaissances du ministre de l’élevage. Son trophée du salon international de l’élevage (Saladam) 2016 y figure aussi en bonne place. La dernière récompense, c’est avec son intégration en 2010 à l’alliance pour le développement et l’amélioration des races (ADAM). Elle est primée  avec l’exposition de deux de ses mâles « bideew » et « Khadim Diop ». La personnification des animaux est très courante chez les éleveurs.

En dehors de ces prix et distinctions, elle se réjouie d’avoir côtoyé des célébrités et  précise fièrement avoir réussi à construire et équiper sa maison R+1 grâce à la vente de ses moutons. « Ma maison, n’est certes pas la plus belle de toutes mais  elle n’est pas la plus moche non plus. C’est avec les Ladoums que je l’ai construite » se félicite-t-elle.
En outre, cette deuxième femme d’un ménage polygame reconnait l’assistance sans cesse renouvelée d’un mari toujours présent. « Mon mari, navigateur de son état, m’a grandement aidée dans ma passion pour l’élevage. Je peux dire qu’au commencement, c’était lui et même après sa retraite il continue de me soutenir sur tous les plans » précise celle dont le marché du coin porte le nom.
Crédit photo : Miguili

Aujourd’hui, la propriétaire de la bergerie Nafanta, du nom de sa mère décédée « très tôt », quoique très satisfaite de ses acquis voudrait bien être sponsorisée par les entreprises qui vendent des aliments de bétail. Elle compte aussi trouver les documents administratifs pour que sa bergerie soit reconnue. « Je veux des documents qui me permettront de faire partie des donneurs de géniteurs pour le projet du ministère de l’élevage », espère-t-elle. En effet,  le ministère de l’élevage procède en collaboration avec l’ADAM à une distribution de géniteurs ladoums dans toutes les bergeries du pays. Ceci, dans le but de redynamiser le cheptel local et ainsi faire face à la pénurie de moutons qui touche le Sénégal à chaque fête de Tabaski. Mais en attendant Fatoumata Doumbouya, espère gagner d’autres trophées avec son mâle du moment « Baneex ».

Commentaires

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