Reportage : Ces bouchons qui bloquent la circulation à Keur Massar


Créée en 1996 par le décret N°96-745 du 30 Avril 1996, le village de Keur Massar devenu commune est fondé en 1847. A l’époque, seuls deux quartiers (Bankhass et Niayes Ndjorane) se partageaient ce lopin de terre jadis rattaché à Mbao. Aujourd’hui, devenu partie intégrante du département de Pikine, la localité compte pas moins de 136 quartiers pour plus de 500 000 habitants établis sur 26 Km². Un rapide développement qui n’a pas pris en compte les voies d’accès. Résultat : des embouteillages « monstres » ornent le rond-point Keur Massar matin et soir, aux heures de pic.   
Rond-point Keur Massar

Le Ndiaga Ndiaye vient de prendre la sortie A8 de l’autoroute à péage. Le conducteur réduit la vitesse du moteur au fur et à mesure qu’il s’approche du premier rond-point. Il a fallu juste une minute d’attente pour passer, contrairement au mois dernier où les travaux du train express régional (ter) ralentissaient le trafic. Le moteur du véhicule qui se dirige vers Massar vrombit laissant trainer une fumée noire à l’odeur métallique. Au dehors, le crépuscule s’installe.  
A peine 5 minutes de course, le chauffeur ralentit la vitesse du véhicule : un embouteillage se profile une vingtaine de mètres de la première station-service. Les passagers, apparemment habitués à ces embouteillages depuis un certain temps, ne semblent guère surpris. Arrivé à hauteur de la station, le chauffeur éteint le moteur du car « Je ne pense pas gaspiller mon carburant pour ce bouchon. Il risque de durer une vingtaine de minutes, voire plus », lâche-t-il. Certains passagers descendent et continuent le chemin à pied jusqu’au rond-point Keur Massar, « à peine 20 à 30 mètres de marche », confie Mamadou qui habite à Jaxaay.
Ils sont nombreux les hommes et femmes comme lui qui préfèrent marcher, une fois à ce niveau, à cause des embouteillages. Les plus futés prennent l’autre sens qui est visiblement plus fluide, tandis que la majorité continue sur le sens des véhicules, partageant ainsi ce qui reste du trottoir avec les marchands et autres garages de motos ou menuiseries.

Une occupation anarchique

A quelques mètres de la seconde station-service, « une mosquée de circonstance » est aménagée sur le trottoir devant une supérette. Un monsieur habillé en soutane marron, teint clair, sort des bouilloires en plastique pour ceux qui veulent faire leurs ablutions et prier avant de continuer leur route. Juste à côté, devant une boutique de prêt-à-porter, une dizaine de personne fait la queue devant la vendeuse de « acra ». Face à ce commerce, sont alignés des vendeurs de tous genres de produits : bougies, chaussures, balais, tasses, boubous… et de plus en plus, des agneaux. « Mes tasses sont à 500 francs les trois, venez voir mes tasses », lance la voix fébrile d’une jeune femme qui porte un enfant sur son dos. Les appels d’un autre vendeur couvrent tantôt la voix de la jeune femme « juste 1000 francs mes chaussures, faites vite ». Au même moment, les sifflets des  gendarmes qui régulent la circulation fusent de partout. Juste à hauteur du rond-point, une panneau triangulaire fluorescent accueille le nouvel arrivant : « Bienvenue dans la commune de Keur Massar », peut-on lire. La route vers Jaxaay est la seule fluide en ce moment. La nuit commence à tomber sur la banlieue.
En face de la seconde station, les vendeurs de friperie étalent leurs marchandises à même le sol ou les accrochent aux barreaux qui protègent le trottoir. Les vendeurs de fruits, puces téléphoniques ou encore de poison pour insectes nuisibles rivalisent d’ingéniosité pour attirer le client : La dernière musique tendance, surtout pour le centre commercial, les porte-voix ou plus fréquemment, les tassous improvisés entre deux battements de mains, sont quelques-uns des moyens les plus usités. A quelques pas de là, trois fast-foods ambulants exposent dans une sorte de caisse vitrée des fatayas « grand format ». Ismaila, un des vendeurs bat un œuf dans une tasse en caoutchouc à la propreté douteuse  pour faire une omelette à un client. Le gaz est mis juste sous la caisse, entre les deux poignets du pousse-pousse qui sert de fast-food.
L’axe qui mène vers Malika n’est non plus épargné par les vendeurs. Devant une des boutiques de tissus qui longent la route, est garée une charrette remplie d’oranges . Elle est prise d’assaut par quelques femmes et jeunes. Au bas de ce commerce mobile, un mendiant fait clinquer dans sa main gauche des pièces d’argent. Il psalmodie des chants religieux en demandant l’aumône. La construction des trottoirs de cette allée n’est pas encore achevée, ce qui n’empêche pas un monsieur d’une quarantaine d’années, habillé en pantalon court, surmonté d’un T-shirt d’un vert délavé d’étaler son commerce de patates sur des tas de gravats. Il les dispose minutieusement en tas de 6 ou 7, à raison « de 200 francs le tas », avance-t-il.
Toujours à hauteur du rond-point, les bouchons se multiplient dans les trois axes, excepté celui qui mène à Jaxaay. La nuit s’avance et la mosquée en plein air devant la supérette appelle à la dernière prière. « Et si malheureusement un conducteur perdait le contrôle de sa voiture ? Ce serait un catastrophe pour ces gens », s’indigne une jeune dame devant le décor. Sa copine, comme réponse à cette indignation se limite à hausser les épaules tout en continuant sa marche.

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