Santé : Le taux de prévalence du VIH/Sida est-il passé de 18 à 20% entre 2014 et 2017 chez les homosexuels au Sénégal?
Dans sa parution du 16 mai 2019, le journal Vox Populi donnait à sa Une l'information selon laquelle le taux de prévalence du VIH/Sida chez les homosexuels au Sénégal était passée de 18 à 20% entre 2014 et 2017. La même information est relayée par le site Pressafrik et attribuée à la directrice de l'Institut de santé et de développement (Ised). Mais après vérification, le taux de 2014 ne correspond pas aux données des dernières études et il est impossible de vérifier le taux de 2017 parce que le rapport en question n'est pas encore mis à la disposition du public.
D'après Vox Populi, la prévalence du VIH/Sida est en hausse chez les homosexuels au Sénégal. Dans les colonnes du journal, à la page 4, il est écrit: "S'agissant de la prévalence du VIH/SIDA chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes (MSM (men having sex with men en anglais)), la prévalence est passée de 18 à 20%, soit une augmentation de 9 points entre 2014 et 2017". La déclaration a été faite lors de l’atelier de partage des résultats de la première année du projet d'Évaluation Prospective Pays (EPP). La même information est relayée par le site Pressafrik et attribuée à la directrice de l’Institut de santé et de développement (Ised). L'article de Pressafrik est largement repris par une dizaine de sites d'informations notamment Senego, Seronet, et le site de l'association Action-traitement.
Une erreur dans le libellé de l'information
Dans l'article de Vox Populi, la journaliste fait savoir que la prévalence du VIH Sida chez les MSM est passée de 18 à 20%, soit une augmentation 9 points entre 2014 et 2017. Elle donne ainsi la variation absolue de pourcentage entre 2014 et 2017. Or si on suit la logique sur les points de pourcentage, il y a une erreur dans la formulation car dire qu'il y a une augmentation de 9 points dans le taux de prévalence reviendrait à soutenir que le taux serait passé de 18 à 27% et non de 18 à 20%.
Et D'après le statisticien Amsata Niang, si les 18 et 20% représentent respectivement les prévalences de 2014 et 2017, l'augmentation n'est pas de 9 points mais plutôt de 2 points.
Source de l’information ?
Nous avons contacté deux des
journalistes qui ont écrit les articles afin d'avoir la source de la déclaration. Tous deux affirment tenir l’information de la directrice de
l’Ised qui faisait face à la presse. Néanmoins, ils soutiennent avoir supprimé l’enregistrement
de l'entretien.
En passant, la rencontre a été couverte par l’APS et le quotidien Enquête qui en a parlé sa page 5. Mais, dans les deux articles, aucuns chiffres n'a été données sur le taux de prévalence du VIH/Sida chez les MSM au Sénégal. "Les chiffres de ce travail de terrain seront sous peu mis à la
disposition du grand public", lit-on sur l'article d'Enquête.
Contactée par téléphone, celle à qui est attribuée la source de l’information, en l’occurrence Pr Anta Tal Dia, ne veut en aucun cas être citée dans une pareille déclaration et estime que cette information n’engage que les journalistes.
Nous sommes néanmoins parvenus à mettre la main sur l’enregistrement de la séance questions-réponses entre la directrice de l’Ised et les journalistes. Sur ce dernier, on entend bien le Pr Anta Tal Dia soutenir que : "le taux de prévalence du VIH Sida a augmenté chez les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes", mais n’a pas avancé de chiffres.
Par contre, à la 4ème minute, passée de 33 secondes, il y a un journaliste qui, en posant une question relance, dit que le taux serait passée de 18 à 20%.
En passant, la rencontre a été couverte par l’APS et le quotidien Enquête qui en a parlé sa page 5. Mais, dans les deux articles, aucuns chiffres n'a été données sur le taux de prévalence du VIH/Sida chez les MSM au Sénégal. "Les chiffres de ce travail de terrain seront sous peu mis à la
disposition du grand public", lit-on sur l'article d'Enquête.
Contactée par téléphone, celle à qui est attribuée la source de l’information, en l’occurrence Pr Anta Tal Dia, ne veut en aucun cas être citée dans une pareille déclaration et estime que cette information n’engage que les journalistes.
Nous sommes néanmoins parvenus à mettre la main sur l’enregistrement de la séance questions-réponses entre la directrice de l’Ised et les journalistes. Sur ce dernier, on entend bien le Pr Anta Tal Dia soutenir que : "le taux de prévalence du VIH Sida a augmenté chez les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes", mais n’a pas avancé de chiffres.
Par contre, à la 4ème minute, passée de 33 secondes, il y a un journaliste qui, en posant une question relance, dit que le taux serait passée de 18 à 20%.
Que disent les données ?
Les études sur les MSM au Sénégal sont assez récentes. A l'heure actuelle, on en compte que trois et la quatrième effectuée par Division Sida et des Infection Sexuellement transmissible au Ministère de la Santé et de l'Action Sociale n'est pas accessible au grand public. Dans toutes les situations, il faut savoir qu'au Sénégal, c'est le Conseil National de Lutte contre le Sida (CNLS) qui polarise tous les résultats des études.
Pathologie
|
Année
d’enquête
|
Prévalence
|
VIH/SIDA
|
2004
|
22,4%
|
2007
|
21,8%
|
|
2014
|
17,8%
|
Prévalence du VIH/SIDA chez MSM au Sénégal
Source : Rapport de situation sur la riposte nationale à l'épidémie de VIH/SIDA Sénégal-CNLS 2016, page 21
Sur le tableau ci-dessus, on peut voir l'évolution du taux de prévalence du VIH/SIDA chez les MSM de 2004 à 2014. En 2014, année de la dernière étude, le taux était de 17,8%. Ce même chiffre est à noter dans le Plan Stratégique National de lutte contre le Sida 2018-2022. Ce plan a exploité les résultats du projet ELIHoS de 2014.
Nous avons essayer d'avoir le rapport EPP afin de confronter les chiffres. Le directeur du projet Évaluation Prospective Pays, Adama Faye, affirme que le rapport n'est pas encore officiel et qu'il est en commission technique pour validation. Au niveau du CNLS aussi, il est dit que le rapport n'est pas encore mis à la disposition du public.
Une Augmentation certes, mais pas alarmante
Le chef de la Division Sida et des Infection Sexuellement transmissible au Ministère de la Santé et de l'Action Sociale, Pr Cheikh Tidiane Ndour, soutient que l'augmentation du taux de prévalence chez les MSM est une réalité au Sénégal et un peu partout dans le monde mais n'est point une situation alarmante. "Connaitre la prévalence du VIH/SIDA chez les MSM, qui sont les moteurs de l'épidémie, permet de combattre la propension du virus mais aussi de maintenir le malade en vie. Ces personnes, une fois leur sérologie connue, pourront suivre leur traitement et ne transmettront plus la maladie", a indiqué le Professeur Ndour.
Conclusion
Le journal Vox Populi dans sa parution du 16 mai 2019 fait savoir que le taux de prévalence du VIH/SIDA chez les homosexuels au Sénégal est passé de 18 à 20% entre 2014 et 2017, soit une augmentation de 9 points.
Le site d'informations Pressafrik donne la même information en attribuant la source à la directrice de l'Ised. Cette dernière n'a pas voulu être citée dans la déclaration et affirme que c'est la responsabilité des journalistes qui est engagée.
Le site d'informations Pressafrik donne la même information en attribuant la source à la directrice de l'Ised. Cette dernière n'a pas voulu être citée dans la déclaration et affirme que c'est la responsabilité des journalistes qui est engagée.
Après vérification, il y a d'abord une erreur dans la formulation de l'article de Vox Populi car si le taux est passé de 18 à 20% entre 2014 et 2017, l'augmentation ne peut pas être de 9 points mais plutôt de 2 points.
En outre, la déclaration est fausse parce que le taux de prévalence du VIH/SIDA chez les MSM au Sénégal en 2014 était de 17,8% et non 18% d’après le rapport de situation de riposte nationale et le Plan Stratégique National de lutte contre le Sida 2018-2020.
Enfin, il est impossible de vérifier le taux de 2017 car le rapport EPP d'où l'information serait tirée n'est pas encore mis à la disposition du public.
Bien Djeynaba Thiombane.
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