Plaidoierie pour l'art et la femme

Fatou Kandé Senghor au milieu.
crédit photo : Arame
Giving birth. Le titre pourrait bien être fixé à un thriller sur Rhéa, déesse de la maternité et de la naissance dans la mythologie grecque. Seulement, c’est juste l’intitulé du film de Fatou Kandé Senghor sur une femme qui n’est certes pas une déesse et ne s’en réclame pas  pour autant mais qui manie la poterie à la manière des matrones qui délivrent les femmes de leur portée : Awa Seyni Camara. C’est juste un film documentaire de 30 minutes mais qui retrace circonstantiellement la douleur d’une « mère » incapable d’enfanter par la faute de la société mais aussi ignorée par cette dernière dans ses talents d’ « artiste ». La production a été présentée et sélectionnée à la biennale 2015 et en cet après-midi de mercredi, les étudiants du Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information (CESTI) la découvre au cours d’un carrefour d’actualité.

Première plasticienne la mieux cotée au Sénégal devant Ousmane Sow et Soly Cissé, Awa Seyni Camara est l’incarnation parfaite de l’expression « nul n’est prophète chez soi ». Devant ses sculptures qui tantôt représentent une femme enceinte, tantôt celle-ci submergée par la marmaille, Seyni Camara pestifère : « j’ai été donnée en mariage à un âge où je n’avais même pas de seins. Je suis tombée enceinte plus d’une fois, quatre  fois exactement mais à cause de complications sanitaires, ces grossesses n’ont jamais abouti ». Dans la case foyer, où le film est projeté, c’est le silence, la concentration optimale. Certains sont même intrigués devant ces figures qui dépassent parfois l’entendement pour ne pas dire les hauteurs usuelles de cette magicienne de la terre. Reproduire des statuts qui renvoient à la maternité n’est pas seulement un moyen pour Seyni d’extérioriser son mal, elle est aussi l’expression d’un savoir ésotérique dont elle est la seule détentrice. « Ma mission est pure. A travers mon art, j’aide les gens à avoir des enfants », se félicite-t-elle en racontant comment elle avait soulagé les supplices d’un couple blanc diagnostiqué stérile. « Le mari m’a envoyé la photo des jumeaux qu’ils ont eus après que je leurs ai donné une de mes sculpture », se glorifie-t-elle.
 En finir avec les spéculations 

Fatou Camara en veut à la société de l’avoir sacrifiée si jeune mais aussi de la sous-estimer voire la méjuger parfois. « Ce sont les blancs qui me nourrissent parce que c’est eux qui achètent mes œuvres. Ici au Sénégal je suis inconnue. Même en Casamance où j’ai fait toutes mes humanités je suis ignorée », se désole- t-elle. Jusqu’à un passé récent, l’Etat du Sénégal ne disposait pas d’oeuvres de l'artiste. C'est lorsqu'un collectionneur américain a voulu vendre toute la collection d'articles de Seyni qu'il disposait que l'Etat du Sénégal s'est intéressé aux sculptures de la potière de Bignona.

Ce film est aussi un cri de cœur de l'artiste qui veut en finir avec les spéculations sur son identité. " Certains se permettent de dire qu'elle usurpe l'identité d'Awa Seyni Camara, que la vrai magicienne est décédée depuis longtemps. ils ne la connaissent tout simplement pas", fait savoir la réalisatrice qui revenait sur les raisons qui l'avaient poussée à faire ce film-documentaire. Selon elle, l'artiste, qui dit ainsi juste parce qu'elle entend les autres l'appeler ainsi, était d'autant plus engager qu'elle pour faire la lumière sur les histoires qui se racontent sur elle.



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